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Un parcours singulier :

Jean-Luc TAUZIEDE a vu le jour en 1962 à Anglet, au Pays Basque, d’un père ingénieur dans l’aérospatial, et d’une mère organiste concertiste et professeur d’orgue au Conservatoire de Bayonne. Cette ascendance placée sous le double signe de la technique d’une part et de l’artistique de l’autre, permet de comprendre le travail, les choix et les façons de faire de Jean-Luc, et pour tout dire de sa conception du métier d’archetier tel qu’il le pratique aujourd’hui.

L’enfant qu’il était a vu son père plongé dans des schémas techniques, et qui lui expliquait volontiers les assemblages de pièces métalliques, d'ajustages, ce qui fascinait le jeune garçon. Et les activités musicales de sa mère , la grande connaissance du fonctionnement  des Orgues, lui ont donné le goût pour la musique : dès l’âge de 5 ans, il fit donc un cursus complet au Conservatoire de Bayonne dans la classe du Professeur Jacques Doué, en  violoncelle, jusqu’à l’obtention d’un Prix du Royaume de la Musique, enregistré par l’ORTF vers 1970.

Sur le plan professionnel, attiré par le travail du bois il fait une formation en menuiserie et ébénisterie, qui aiguise sa sensibilité aux matériaux, tout en s’imprégnant des sensuelles odeurs des essences diverses. Il passe avec succès un C.A.P. en ébénisterie, puis un second en dessin industriel. En 1992, il a donc près de trente ans, n’est toujours pas archetier, mais le destin, place sur sa route Jean-François RAFFIN, l’archetier expert parisien qui lui propose de le former à son métier.Il accepte volontiers, car il réalise que l’archèterie va lui permettre de concilier les aspects techniques et esthétiques qui ont marqué son développement. Après 5 ans d’apprentissage puis de travail dans l’atelier parisien de son Maître, ainsi qu’une formation auprès de Stéphane THOMACHOT, un autre fameux archetier, Jean-Luc ouvre son propre atelier dans sa ville natale du Sud-Ouest

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Un modèle personnel :

Dès lors, Jean-Luc va développer son propre modèle d’archet, qui va évoluer au cours du temps, tout en restant reconnaissable, mais reste profondément marqué par l’école d’archèterie française de la première moitié du XIX° siècle. Ses auteurs préférés sont François-Xavier Tourte, Charles Tourte, Dominique Peccatte, Jean Adam dit Grand Adam et Etienne Pajeot. Il a vu passer des milliers d’archets anciens dans l’atelier Parisien rue de Rome, mais aussi chez Patrice Taconné, luthier à Bordeaux avec lequel il collabore de 2000 à 2017.  Et de tous les styles de la grande école française, ce sont principalement ces auteurs qui l’attirent immédiatement par la force et la puissance que leurs travaux dégagent, mais aussi par leur manière instinctive de travailler. Du fait de sa formation en ébénisterie, Jean-Luc connait bien le bois et sait pertinemment que c’est le matériau qui guide l’artisan et non le contraire. La sensation éprouvée va ainsi conduire la main de l’artisan, qui parlera alors de travail instinctif.   Tourte, Peccatte et Grand Adam, en artiste véritable travaillaient de la sorte et c’est dans cette approche sensible du métier que Jean-Luc s’est reconnu.

Pour réaliser ces baguettes, Jean-Luc puise dans son stock de bois de Pernambouc qu’il a eu l’opportunité d’acquérir il y a longtemps déjà, et qui va lui faire toute sa carrière. Car un jour, chez un grossiste d’essences rares, il tombe en arrêt sur des billes de Pernambouc, couvert de boue, et dont personne ne voulait, mais dont il décèle immédiatement la grande qualité pour la réalisation de ses archets. De plus ce stock de bois ne présente pas une seule variété de Pernambouc, mais plusieurs ; des bois plus ou moins denses, très veinés, ondé et passant du rouge au foncé. Il peut donc varier à loisir l’aspect esthétique de ses baguettes, et produire des archets en fonction des différents jeux des musiciens. Pour les hausses il a choisi un bois d’ébène très dense lui aussi, dont la beauté fascine d’emblée, mais sera d’autant plus révélée lorsqu’un client demande une hausse sans grain de nacre.

 

De la copie comme re-création :

Faire des archets selon ses propre choix et goûts ne suffit pas à Jean-Luc qui propose aussi à sa clientèle des archets en copies de ses auteurs favoris. Mais copier ne signifie pas reproduire exactement à l’identique, comme on fait un second tirage d’une photographie, par exemple. Certes, il faut connaître les caractéristiques de la production des auteurs, leur type de choix de bois, de nacre (dont jean-luc détiens un savoir faire transmis par un célèbre nacrier)

Car chaque auteur a ses préférences esthétiques. Jean-Luc tient compte de ces paramètres et va encore plus loin, en recherchant les matériaux d’époque lorsque cela est possible. Des visites aux brocantes lui permettent par exemple d’acquérir des pièces d’argent de la période visée, car celui que l’on trouve aujourd’hui n’est pas titré de la même façon. Une fois rassemblés les différents matériaux nécessaires à la confection de la copie, l’artisan se met au travail en exécutant les gestes qu’auraient fait l’auteur original. Il n’y a là aucun mystère, mais seulement une connaissance et un respect des matériaux, ainsi qu’une humilité de celui qui les travaille. Un chanfrein de tête peut se faire d’un seul coup de canif, comme le faisait un Tourte ou un Peccatte. Mais pour cela il faut avoir une bonne connaissance de leur travail, et c’est là que la fréquentation longue avec les archets prend tout son sens. Autrement dit, pour « copier » il faut avoir entraîné son œil et sa main , raison pour laquelle Jean-Luc s’est beaucoup intéressé à l’expertise, guidé pendant son apprentissage en cela par Jean-François Raffin. A chaque archet nouveau qu’on lui présentait, il observait attentivement, analysait le travail et prenait des notes, ce qui lui permet aujourd’hui de mener des expertises. Il est d’ailleurs à ce jour expert auprès du tribunal de Pau.

Les grands collectionneurs d’archets ne s’y trompent pas, qui lui commandent des copies car ils sont fascinés et troublés par la production de Jean-Luc en ce domaine, tellement celui-ci a assimilé la manière des grands maîtres du passé. Et les confrères archetiers et luthiers reconnaissent volontiers son talent et son don en la matière.

 

Redonner vie :

Quand on a si bien compris les maîtres anciens, il est alors une autre activité qui s’impose à l’artisan : la restauration. Redonner vie à un archet ancien relève de la même démarche que la copie : une hausse endommagée doit retrouver son état original, en respectant le travail initial qui pourtant manque, de même pour un bouton ou une tête abimée. Par ses observations, analyses, et mise en pratique, Jean-Luc possède dans l’œil mais surtout dans les mains, une mémoire des formes, qui lui permet de remettre en état de jeu les beaux archets que les musiciens malheureux de voir leur baguette en piteux état, lui apportent. Avant de se lancer dans ce travail l’artisan effectue des recherches, plonge dans sa documentation pour arriver au plus près de ce qu’était l’original. Et surtout sans que cela se voit !

On ne sera pas surpris d’apprendre que Jean-Luc Tauziède reçoive en 2011 le titre très convoité de « Meilleurs Ouvrier de France » avec notamment une copie de Grand Adam très remarquée.

 Archetier complet, connaisseur et amoureux des matériaux qu’il travaille, passionné par son métier, il œuvre pour une clientèle variée allant du musicien d’orchestre, aux grands solistes comme aux amateurs, aux collectionneurs et luthiers du monde entier.

 

Lothaire MABRU

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